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United black and white
Je me suis réveillée un matin, et quelque chose avait changé. J'ai regardé autour de moi, ne voyant pas quoi. Le lit n'avait pas bougé, le soleil était toujours là, les cris des enfants aussi. En observant le jardin, j'ai enfin perçu l'étrange métamorphose : le monde avait perdu toutes ses couleurs, s'était repeint en noir et blanc. Plus de vert gazon, de feuilles rousses se décrochant des arbres, de bleu azur accroché au ciel, malgré la luminosité. Les alentours ressemblaient à une photo de Cartier-Bresson.
OEuvre d'un génie, d'un démon, hallucination ? Je me hâtai à l'extérieur, espérant retrouver ailleurs un peu de couleur. La façade rose de la confiserie avait disparu, les volets bleu de l'école n'étaient plus que gris infini. J'interrogeais autour de moi, quêtant un indice : qui avait volé les couleurs ? On me regarda bizarrement, en se détournant.
J'allais consulter un ophtalmologiste : ma vue lui parut normale. Le neurologue de l'hôpital ne m'éclaira pas davantage. Alors pourquoi moi, pourquoi étais-je la seule à voir soudainement le monde en noir et blanc ? Agacée, je pris la voiture, traversai des collines, des forêts, arrivai au bord de la mer. Partout, je ne vis que du noir, du blanc, et une infinité de gris. Je montai dans un avion, un autre, parcourus le bassin méditerranéen, privé de son bleu légendaire, les savanes, les steppes, les déserts, les massifs asiatiques, les barrières de corail, rien, rien et rien. Pas une étincelle de couleur. Epuisée, je décidai d'en finir. Le monde était trop terne. Je m'ouvris les veines et attendis, dans une torpeur grandissante. Je remarquai un phénomène étrange : plus je m'affaiblissais, plus mon sang s'éloignait du gris pour reprendre peu à peu son rouge sombre. Avant de fermer les yeux, je vis que le monde s'était paré de toutes ses couleurs.
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