Comment survivre à une naissance

Qui n’a jamais vécu la visite à l’hôpital de la maman et du fruit de ses entrailles à peine extradé ne connaît pas la difficulté d’extirper la phrase adéquate du fin fond de son esprit.

A force de faire game over, j'ai appris à laisser mon humour sur le paillasson. Outre une anarchie hormonale, la génitrice subit une croissance inquiétante de son taux de susceptibilité. La médecine reste curieusement muette sur ce sujet.

Au fil du temps, j’ai donc rédigé des phrases émerveillées sur un carnet qui ne me quitte jamais, afin de ne pas être prise au dépourvu si une amie accouche inopinément dans la rue alors qu’on avait juste programmé d’aller boire un verre. Grâce à cette recette, fini le stress : il reste simplement à trouver la formule magique qui conviendra au faciès du nouveau gniard.

Une fois de plus, me voilà de corvée d’hôpital. Quand on entre dans la chambre, c'est généralement le père qui assure le show, la mère étant au choix dans les vapes, en pré dépression ou en agrippement fusionnel. Lui vous accueille en vous annonçant le poids de sa descendance aussi fièrement qu’au dernier Noël quand il a sorti la dinde du four et bramé qu’elle faisait sept kilos. A cet instant, il convient de féliciter la mère. Une simple expression faciale approbatrice suffit, même si on meurt d’envie de la congratuler d’être un fabuleux incubateur.

Polie, je m’enquiers de sa santé avant de regarder l’enfant, ce qui est déjà limite : d’après les us et coutumes, on se rue illico sur le tout neuf. Et on s’extasie, chapitre III, verset VIII. Mais, au moment où je suis officiellement présentée, stupeur. Toutes mes phrases laborieusement rédigées s’envolent à tire d’ailes : il est tellement petit qu’on croirait qu’il n’est pas encore né. A voir le périmètre de la mère, j’aurais bien juré qu’elle accoucherait d’un saint-bernard. Je me demande où est passé le reste. Est-il possible qu’il y en ait plusieurs ? Shit, je n’aurais pas dû zapper la diatribe du père.

Derrière moi, je sens bien qu’on attend. Une quelconque réaction. Je cherche l’inspiration mais nada, rien que des pensées parasite : j’ai l’air malin avec mon cadeau de naissance, un joli ensemble pour bébé de six mois. Dans l’état actuel des choses, il peut lui servir de tente. Si sa mère le glisse dedans, elle va mettre des jours à le retrouver. Quoi que, ne négligeons pas l’aspect pratique, il peut s’installer dans une manche le matin et aller dormir dans une jambe la nuit.

En arrière-plan, l’impatience bouillonne. Urgh. Je me retourne, un sourire extatique aux lèvres : « Je ne trouve plus mes mots, je suis littéralement hypnotisée ». Bingo, jackpot, trop douée.


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