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9 :
Mon ex
Il est ma seule expérience de vie commune. Et risque de le rester.
A peine les meubles posés, il s’est enfoncé dans le canapé, la télécommande greffée à la main. Il a tellement fusionné avec qu’au moment de la rupture il a fallu appeler les pompiers pour le désincarcérer. Il en avait adopté la forme, on pouvait installer deux pieds dessous, ça donnait un joli modèle Ikéa.
Il voulait un enfant, sans doute pour avoir un nouveau copain de jeu. Faut pas se plaindre, il était quasi autonome, savait même se faire à manger. Mais pour le reste c'était catastrophique, les factures se carapataient à son arrivée, le lave-linge lançait un préavis de grève, et même le magnétoscope refusait d’enregistrer le match de 6e division Longueau-Bousbecque. Le seul objet qui répondait à ses désirs dès son retour du labeur était la télé, sa meilleure copine dans ce deux-pièces. Elle s’allumait toute seule, heureuse de le retrouver.
Je tentai une rééducation, en créant des réflexes : lundi je rentre du travail, je vois qu'il n'y a pas de match, je vais faire les courses. Ça marchait. Ok, il fallait au préalable lui donner une liste, sinon on se retrouvait avec 200 yaourts, toutes les races de fromage, la même boîte de conserve en huit exemplaires, mais tout ce qui manquait dans le frigo restait bien à l’abri au supermarché.
Je lui demandais parfois où il habitait puis renonçais, en entendant geindre ses congénères quand leurs tendres compagnes les incitaient à dresser le couvert : "Mêêêêh où sont les assieeettes?" Parties en vacances sans nous, pas de bol.
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