13 : Clara

On est amies depuis le collège. Adolescente, elle a demandé à mes parents de l'adopter, elle voulait appartenir à la lignée. Personnellement, je ne voyais pas trop pour quelle raison biscornue puisque j'aurais volontiers migré vers une espèce familiale moins désembrayée. Plus tard, j'ai compris.

Si Clara nous était apparentée, elle pourrait sans modestie postuler au podium de la plus essorée. Ado, elle frisait déjà la maniaco-contradiction. Amoureuse un jour d'un adulateur de tonnelets graisseux, le mois suivant d'un fanatique des faméliques, elle se dilatait puis dégonflait à très grande vitesse. Promue spécialiste des régimes amaigrissants et grossissants, elle tenait des meetings pendant les cours de gym, canonisée par une horde de filles mal dans leur peau trop étroite ou trop extensible.

Avec les années, elle a harponné de nouveaux vices de forme. Désormais emmaillotée dans des troubles obsessionnels compulsifs, option syndrome de Lady Macbeth, elle a fusionné avec sa machine à laver, qu'elle actionne dès qu'une molécule de poussière passe à quelques encablures de l'une ou l'autre de ses kyrielles de fringues. Pour tenter d'endiguer l'éradication de l'eau dans l'immeuble, elle a scotché les interstices de ses armoires. Que nenni, les particules, invisibles sauf pour l'oeil microscope de Clara, poursuivent leur infiltration farouche.

Pour parachever son calvaire, Clara est aussi une acheteuse compulsive et une consommatrice de rendez-vous. Quand un homme l'invite, elle ventile son placard en une nanoseconde et tente le deux milles tenues/minute. Chaque rencontre lui coûte cinq barils de lessive.


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