14 : Tonton Marc

Il n'est pas encore mort que personne ne se souvient du son de sa voix. Il ouvre la bouche une fois par septennat, pour dresser le bilan du président sortant, avec moultes gesticulations enflammées. Depuis que Chirac s'est quinquennaïsé, tous ses neveux et nièces ont parié sur la date de sa prochaine intervention.

Personnellement, j'ai misé gros, certaine qu'il va vociférer avant la date de péremption élyséenne. Déjà, la Constitution, on sent que ça lui ébouillante les globules. De temps en temps je l'asticote discrètement, pour éviter d'être taxée de tricherie : « Alors tonton, tu vas voter oui ou non ? La directive Bolkestein, tu lui trouves pas un air de darwinisme économique ? ». Que nenni, il reste insonore, me désigne l'une ou l'autre de ses piles de quotidiens. Message reçu : tonton préfère qu'on se forge ses propres opinions. Même quand ça lui démange l'appendice lingual, il se retient fermement à ses principes.

Je ne suis pas la seule à tenter le jackpot. J'ai surpris Constant à l'appâter dans le marécage de ses multiples contradictions. Ma soeur aînée, plus perfide, agiote sur l'esprit de filiation et incite notre cousine à aborder avec son père d'autres sujets que sa vie, aussi trépidante qu'un convoi d'asticots.

La partie adverse nous surveille à la mode taupes en planque. Gabriel concocte un logiciel de règlement procédurier que lui envierait Maître Vergès : interdiction d'approcher tonton en-dehors des repas familiaux légaux, de le questionner sur l'actualité. Avec un tel arrêté, l'anarchiste qui tressaute en Marc peut reposer tranquille : il n'est pas près de nous haranguer.


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