Petit malentendu entre futurs époux

Cela faisait des années qu’il la courtisait, l’attendait, la flattait, lui promettait, se décourageait, reprenait sa course effrénée derrière ses talons que, toujours elle détournait de son chemin. Et puis un soir, inattendu, elle lui tomba dans les bras. Il ne chercha pas à comprendre les raisons de ce revirement et lui passa la bague au doigt.

Cela faisait des années qu’elle ne comprenait pas comment elle supportait sa présence. Sa ténacité écrasante, sa tendance à se métamorphoser en glue dernier modèle, ses demandes insidieuses, ses appels, ses invitations. Pourtant, il lui était indispensable, substitut du père qui lui avait fait défaut. Toujours là quand elle avait besoin de lui, pour monter un meuble, colmater une fuite, lui prêter de l’argent, la consoler quand elle se sentait seule. Mais il la rebutait.

Elle n’aimait que les hommes beaux qui lui glissaient entre les mains, la laissaient végéter près du téléphone, échappaient à ses questions, fuyaient ses colères, l’obsédaient totalement. Il l’insupportait car il se comportait comme elle, ignoble miroir grossissant.

Un jour, elle rencontra l’un de ces prototypes dignes de ses rêves et ses cauchemars. Elle savait que, si elle cédait à ses avances, elle se torturerait nuit et jour, serait obnubilée par la peur de le perdre. Elle ne pouvait envisager de relation qu’en étant ancrée à un autre ponton.

Ecartelée entre son besoin de sécurité et son désir charnel, elle opta pour la plus simple des solutions : elle s’arrima à son fidèle poteau.