Ruptures et rapines

Encore une rupture.

Cette fois, elle était partie en faisant main basse sur ses livres de photographie. Ils s’étaient rencontrés à une expo, elle adorait Boubat, Sieff, Salgado. L’étagère était nue, elle avait même raflé cet Hermès d’Arthus-Bertrand.

Il se sentait à bout. Excédé. D’être systématiquement dépossédé à chaque séparation. Sa première épouse l’avait quitté en harponnant tous ses albums des Beatles, de Django Reinhardt et sa centaine de disques de jazz. La seconde avait éliminé de sa bibliothèque ses Zola, Voltaire, Rousseau, les auteurs russes et américains. Ecoeuré, il avait cessé de signer des papiers devant un maire. La suivante, avec qui il avait vécu à peine un an, avait contribué à la désertification en lançant une OPA sauvage sur les écrivains italiens et nordiques, sans oublier sa collection de statuettes étrusques. Et celle-ci le spoliait à nouveau.

Il était grand temps de réagir s’il ne voulait pas finir inculte. Terminé. Ne plus les regarder scotcher leurs cartons en protestant mollement. S’opposer à leur départ qui ressemblait plus à une piraterie qu’à un partage civilisé. Quitte à employer la violence. Que lui importait la vaisselle bariolée made in Ikéa en échange de cette razzia ? La prochaine n’emporterait pas le moindre livre de poche, c'était décidé.

Pour plus de sécurité, il la soumettrait à un questionnaire sur ses goûts. Autant qu’ils n’en aient aucun en commun. Et jamais il ne partagerait ses passions avec elle. Il se sentit soudainement mieux : il venait de découvrir le véritable ciment d’une rupture réussie.


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