You are not a sex lover

Je suis un démiurge ensorcelant du sexe. Les femmes me babillent des mots extasiés au creux de l’oreille dès que je les glisse entre mes draps. Ma bouche, mes lèvres, ma langue dessinent des sentiers sillonnant entre les collines, les plaines et les forêts enchantées. J’invente des voyages, vogue tel l’explorateur du nouveau monde sur leur peau chavirée.

En général, elles commencent alors à gazouiller dans une langue inconnue, oubliant jusqu’à l’essence de ce qu’elles ont été.

Comme tout homme, l’aspect technique des choses me captive et le domaine sexuel n’y échappe pas. J’ai ainsi composé au fil des années des concertos veloutés pour les emmener tanguer sur une comète (certaines s’y cognent la tête). Mes doigts courent dans leurs recoins les plus secrets, virtuose vibrato pour corps envoûtés.

Je les disloque.

Après cet éthylisme sexuel, la plupart tentent sans doute de me téléphoner, mais je leur laisse rarement mon vrai numéro.

Hier, l’une d’elles a oublié un livre, probablement glissé de son sac à main. Le rapport Hite. Une enquête sur la sexualité féminine. Je l’ai feuilleté en souriant. Puis je l’ai lu entièrement. J’ai reconnu quasiment chacun de mes gestes décrits par des dizaines de femmes. Cela m’a vexé, je croyais presque les avoir inventés. Puis mes certitudes se sont éboulées sur ma vie. Car l’immense majorité des interviewées avouent que ces caresses leur procurent des sensations minimales, voire parfois désagréables.

Aurais-je rencontré la minorité ? Statistiquement impossible.

Mais quand je pense à tous ces farauds convaincus d’illuminer leur compagne, je me sens un peu mieux.


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