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Tout est écrit
Un peu en avance, elle choisit une table à l'écart et commande un martini. Nerveuse, anxieuse. Leur premier rendez-vous. Elle s'est interdit de l'imaginer. Verrouiller la porte aux attentes, ou les déceptions battront au vent.
Maintenant qu'elle est là, l'appréhension la prend, avec sa cohorte de « si », options négatives. Elle craint tout et son contraire, tangue sur des flots anarchiques. Si elle ne lui plaît pas vraiment, s'il lui plaît trop, pas assez, si la conversation les plonge dans un coma profond, si...
La conversation.
Elle va encore devoir parler, raconter sa vie, son présent, son passé, ses espoirs, ses loisirs, ce qu'elle aime, n'aime pas, sempiternelles histoires repassées sans fin au risque de les rayer. Deviner ce qui lui plaît, éviter le reste, questionner, légèrement, encourager du regard, faire mine de s'intéresser à tout ce qu'il dit. Même si c'est navrant d'ennui. Babiller d'un air enjoué l'éternel refrain de cette sérénade de séduction, passer brillamment l'examen de sélection. Puis franchir les autres étapes de l'audition. Tout cela avec l'esprit délavé d'interrogations : va-t-il rappeler, quand, l'inviter à nouveau, qu'aura-t-il en tête, l'embrassera-t-il, attendra-t-il pour faire l'amour, combien de temps pour qu'il donne ensuite signe de vie, que se passera-t-il s'ils se revoient, l'aimera-t-il, le lui dira-t-il, et après, il y aura quoi, et elle, saura-t-elle pour une fois ce qu'elle veut, quel est le but de tout cela ?
Quel est le but de tout cela ?
Le serveur apporte son martini, elle en boit une gorgée, paie, s'en va.
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