Thanatophobie

Elle avait une telle frayeur de mourir qu’elle en était obsédée presque à chaque instant. Terrorisée par les maladies, elle s’auscultait régulièrement. La moindre anomalie la plongeait dans un abîme d’angoisses : n’était-ce pas là le signe avant-coureur d’un terrible mal, peut-être même encore inconnu des annales de la médecine ? Elle consultait l’encyclopédie médicale compulsivement, accumulant les symptômes funestes. Elle vérifiait toutes les déjections de son corps avec une loupe, en quête de preuves.

Les risques d’accidents engendraient une peur jumelle. Les déplacements devinrent peu à peu source de torture, de leur programmation jusqu’à son retour au cocon. Elle ne faisait aucune différence entre prendre l’avion pour plusieurs heures et la voiture pour quelques kilomètres : chaque sortie représentait un geyser inépuisable de dangers, peut-être l’ultime périple.

Quand elle n’avait rien, son inquiétude obsessionnelle s’agitait dans tous les sens : un péril devait la guetter, tapi à quelques pas. Son époux n’avait-il pas mauvaise mine ? Pourquoi son fils n’était-il pas encore rentré de ses vacances en moto ? Et sa fille du cinéma ?

Elle avait tellement peur de la mort qu’elle en oublia de vivre.

 


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