Dernier grand amour avant péage

Lucie soupira en compulsant son magazine, destiné aux Seniors. En être encore à écumer les petites annonces à son âge la déprimait. Toute une vie passée à chercher le grand amour, le prince charmant, l’âme sœur et autres fadaises, pour trouver quoi, en fin de compte ? Un charlatan qui l’avait plaquée avec deux enfants en bas âge pour une rafistolée, un égoïste professionnel qui conjuguait tous les verbes à la première personne du singulier, un épuisé congénital qui se traînait du canapé au lit, et un décérébré vertical qui votait toujours de travers. De quoi porter plainte contre Platon. Malheureusement, elle ne parvenait pas à naviguer en solitaire. Voilà pourquoi elle cochait tristement les rares petites annonces qui éveillaient une vague pulsation au fond de son moi désabusé.

Lucie n’avait plus vraiment d’exigences. Ni d’ailleurs grand-chose à donner. Un compagnon affable lui suffirait. Si possible à l’opposé de ses navrants prédécesseurs. Ce qui faisait déjà beaucoup, finalement. Elle soupira à nouveau. Même si elle ne voyait aucun avantage à la vie commune à part une présence animée, elle se refusait à prendre un chien pour lui tenir compagnie. Et encore moins à intégrer une maison de retraite, emplie d’ankylosées.

Elle sortit son papier à lettres et s’attela à l’ouvrage en maugréant contre son incapacité à terminer son existence en solo. Seule pensée réconfortante : à son âge, la vie commune ne risquait pas de s’éterniser bien longtemps.


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