Hors d'atteinte


Séduite par son air mystérieux, elle ressentit le désir typiquement féminin de décrypter ce hiéroglyphe resté indéchiffrable par toutes, de gratter l’épaisse couche opaque pour atteindre ses coulisses les plus secrètes et les éclairer d’une chaude lumière apaisante. A elle, il confierait tout, ouvrirait grand les grilles de ses jardins les plus retranchés. La haute muraille qui le protégeait d’une peur inconnue allait s’effondrer. Elle décadenasserait ses clôtures, repousserait ses frontières, anéantirait ses terreurs, tel un vaillant sauveteur.

Plus prosaïquement, son côté insaisissable l’obsédait. Elle voulait capturer ce bel oiseau à la liberté outrageante, lui couper les ailes et l’installer dans sa cage décorée Habitat.

Très vite, elle se sentit agacée par ses silences, son passé énigmatique, ses regards ténébreux jetés nonchalamment alentour. Malgré la légèreté de ses questions, il devenait plus hermétique qu’un moine emmuré et se retranchait dans un mutisme hautain. Agacée, elle insista, usant de tous les subterfuges. Mais ni douceurs ni menaces n’en vinrent à bout. Il demeurait totalement impénétrable, réfugié dans son univers lunaire, hors d’atteinte.

Et plus il se fermait, plus elle crevait d’envie d’exploser ses fortifications, de percer ce mystère comme un furoncle trop mûr. Elle s’acharna compulsivement pendant des années, sans réussir une seule trouée dans l’épaisse carapace.

Après deux ou trois décennies d’efforts titanesques, elle comprit enfin : les tréfonds de son bel indéchiffrable résonnaient aussi creux qu’un coquillage déserté.


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